Les Vins du Beaujolais sont partenaires du Concours ASI du Meilleur Sommelier du Monde, Paris 2023. En prévision de cette grande occasion, nous avons rencontré Gaëtan Bouvier, Meilleur Sommelier de France 2016 et Meilleur Ouvrier de France Sommellerie (MOF) 2022. Il témoigne sur les vins d’exception du Beaujolais.
Entretien réalisé lors de la dégustation des Beaujolais d’Exception à l’Institut Paul Bocuse & Restaurant Saisons* – Ecully, Octobre 2022, en vue du Concours du Meilleur Sommelier du Monde 2023. Vidéo disponible en fin d’interview.
Quel était l’objet de la dégustation d’aujourd’hui ?
« Le but était de sélectionner les cuvées qui incarneront le Beaujolais lors du concours du Meilleur Sommelier du Monde. Avec Philippe Faure-Brac et Laurent Derhé, nous avons fait équipe pour déguster différents crus ainsi que des Beaujolais et Beaujolais Villages, en blanc comme en rouge. Et nous avons fait ressortir ce que nous considérions comme la quintessence des cuvées présentées. Ce moment privilégié nous a permis de faire de très belles découvertes que nous avons hâte de voir présentées au monde de la sommellerie en février prochain ! »
*Les vins sélectionnés seront présentés aux sommeliers venus du monde entier, en marge des épreuves du concours du Meilleur Sommelier du Monde 2023.
Qu’est-ce qui vous a marqué, vous, Gaëtan Bouvier, sommelier ?
« Pour un sommelier qui travaille en région lyonnaise, le potentiel du Beaujolais n’est pas un scoop ! Et d’ailleurs il s’est encore vérifié en dégustation à l’aveugle ce matin. Certains crus que j’apprécie particulièrement m’ont aussi démontré la qualité collective du travail des vignerons, sur différentes cuvées. C’était très intéressant de constater que certaines parcelles, dont j’avais dégusté les vins un an auparavant, se révèlent pleinement aujourd’hui dans leur évolution. »
Qu’avez-vous pensé des blancs ? A quoi ressemble un chardonnay du Beaujolais ?
« J’ai trouvé les vins blancs brillants, lumineux. Ceux que nous avons sélectionnés sont souvent marqués par des notes acidulées, ils sont frais, francs et directs. C’est comme cela qu’on les aime. On y retrouve souvent un caractère citronné, mais aussi une certaine pondération.
Ce qui fait la différence, en vérité, ce sont leurs spécificités géologiques. Entre terroirs granitiques et terroirs argilo-calcaires, les sols marquent à jamais le touché de bouche et la vivacité du vin. Ces deux grandes familles géologiques du Beaujolais font du cépage chardonnay une véritable éponge à terroir. Et en fin de compte, cela se retranscrit à merveille dans le verre ! »
Vous parlez des différents terroirs qui caractérisent le Beaujolais ; est-ce que cette diversité s’est ressentie dans la dégustation ?
« La mosaïque géologique du Beaujolais s’est clairement révélée dans les verres. On a souvent tendance à simplifier le vignoble du Beaujolais en parlant de granite. Mais il y a tant de lieux-dits, de micro-terroirs et de textures de sol que cela change complètement la qualité intrinsèque des vins. L’altitude et l’exposition des crus vallonnés s’est notamment exprimée dans la dégustation. Je repense à « l’Héronde » par exemple, un très joli lieu-dit du cru Côte-de-Brouilly. Il est ressorti chez plusieurs vignerons ce matin, ce qui est bien la preuve que les terroirs marquent la qualité des vins. »
Gaëtan Bouvier, avez-vous eu des coups de cœur ?
« Oui, et plusieurs ! J’ai adoré le Domaine des Marrans à Fleurie, ou encore le Saint-Amour du Château des Bachelards. Le Moulin-à-Vent de Richard Rottiers m’a séduit quant à lui sur les Thorins, un magnifique terroir de Romanèche. J’ai aussi retrouvé le Château des Jacques, un grand classique. C’est comme écouter du Mozart : c’est toujours beau et bien fait ! Enfin le Domaine des Nugues, également sur Fleurie, m’a bousculé en dégustation par son incroyable puissance de concentration. »
Vous avez dégusté des vins ayant pris un peu d’âge, plus de dix ans pour certains. Qu’en avez-vous pensé ?
« Il faut sortir de l’idée que le Beaujolais est un vin qui se boit seulement jeune. Bien sûr, à première vue, le gamay a sur certaines cuvées cette capacité à retranscrire un caractère très aromatique. Il offre un fruité croquant et séducteur dans sa jeunesse.
Mais les vignerons vont aussi chercher une profondeur de terroir. Le gamay, quand il pondère et s’assagit avec le temps, développe d’incroyables caractères fumés sur les granites notamment. Pour moi ce sont là de grandes, grandes bouteilles, capables de rivaliser avec les plus beaux crus du monde. On peut alors sortir des habitudes gastronomiques des plats canailles. Et on peut partir par exemple sur des civets de la mer ou sur des travaux de cuisinier très élaborés.
Le Beaujolais, c’est aussi un grand vin gastronomique ! »
Quel rôle jouent les vins du Beaujolais sur une carte des vins ?
« D’abord, ils correspondent au goût des 25-40 ans, ce qui est une bonne chose pour l’avenir. En fait, la clientèle jeune apprécie les tanins assez délicats du gamay, son fruit, sa gourmandise. Il est vrai que le gamay offre une immédiateté que même les grands vins du Beaujolais sont capables de livrer.
Et puis aujourd’hui, dans le Beaujolais, il y a de plus en plus de diversité. En termes de vinification, par exemple, des philosophies très différentes se côtoient. On passe de vins très cadrés à ceux des élèves de Jules Chauvet par exemple, un peu plus « rock and roll ». Et puis la diversité s’exprime aussi en termes de terroirs. On a dix crus et autant de palettes incroyables. Et au sein de ces crus, on distingue encore des lieux-dits et des parcelles aux profils spécifiques.
C’est un éventail qui nécessite une vraie représentativité sur une carte des vins. Je pense que cette région viticole est redevenue un grand classique. C’est pourquoi aujourd’hui, les dix crus du Beaujolais, c’est un minimum requis sur une carte des vins. Et où que l’on soit dans le monde ! »
Qu’est-ce que le concours du Meilleur Sommelier du Monde ?
« C’est un concours d’excellence qui met en avant notre métier devant le monde entier. Il met en lumière des candidates et candidats. J’espère que cette année ce sera une candidate française qui sera lauréate, Pascaline Lepeltier, que l’on soutient.
Ce concours, c’est une formidable résonnance pour le métier de sommelier et pour tous les acteurs de la filière. Les vignerons avec lesquels nous travaillons ne sont pas seulement des fournisseurs. Ce sont eux qui font évoluer nos restaurants, nos maisons et nos cartes des vins. »
En tant que coach, si l’on peut dire, de la candidate française, comment l’aidez-vous à se préparer au concours ?
« Je n’aurais pas la prétention d’être coach ! Mais partager des connaissances et faire tout ce que je peux pour aider Pascaline, ça c’est certain ! Elle peut compter sur l’équipe de l’Union de la Sommellerie Française pour l’accompagner au maximum.
Nous la recevons ici à l’Institut Paul Bocuse. Ici, elle peut réaliser des travaux en toute sérénité, prendre le temps de moments d’échanges et de partage. On y réunit aussi tous les gens que l’on sait compétents pour l’aider, qu’ils soient cuisiniers, sommeliers ou maîtres d’hôtel. Il y a toute une équipe pour l’accueillir et faire en sorte qu’elle reparte avec un petit supplément. Que ce soit pour elle ou pour le concours. »